Les dessins de CCB émettent un bruit. J'ai toujours cru féconde l'intuition des défenseurs des synesthésies chères aux Symbolistes : une couleur associée à une voyelle, un son coloré, une odeur sonore, un parfum chromatique, une vision musicale, le goût d'une lumière, etc.
Dans le cas de Caroline Challan Belval, le dessin se dit autrement que par le trait : le crâne d'un animal préhistorique mugit ; les corps des cadavres émergeant d'un suaire émettent un petit souffle court ; les cuirasses médiévales cliquettent; les visages d'ouvriers métallurgistes bruissent comme un acier trempé qui jouirait de la lumière ; un nourrisson tête le caoutchouc d'un sein absent avec un bruit mat et saccadé ; une vue du château Saint-Ange vibre comme seule vibre la nuit ; une chair se
décompose en squelette et le son ressemble aux éclatements multiples de bulles crevées à la surface d'une mare au ventre plein de vase ; etc.
Alors ? Alors CCB est capable de recréer un monde, ce qui désigne le démiurge de nos temps sans Dieu. D'où l'urgence de se mettre à cette façon plastique de musiquer le monde - une façon signée CCB.
Texte écrit pour le catalogue de l’exposition Caroline Challan Belval, Singulièrement, elle butine…, MAMAC, Nice, 2010-2011.
© Michel Onfray