« Dans cette séquence orthogonale, New York Subway introduit une diagonale : une poutrelle métallique sur la gauche, suivie d’une plage lumineuse striée de rouge, comme une fenêtre de wagon projetant sa rumeur au premier plan, que contraste sur la droite un rectangle modulant le noir et le gris. Saisissant hommage à Rothko ? Il le serait d’autant plus si la rencontre fut involontaire. S’y confirmerait la fonction initiatique de la peinture par changement d’espèces. En 1937, Rothko avait travaillé le double sens, up and down, de la bouche de métro. Entre les piliers vert cru d’une station apparemment repeinte à neuf, se profile un escalier de fer où se croisent dans une lumière montante deux silhouettes, un homme, une femme. Inversion paradoxale, soleil matinal levant d’une bouche d’ombre, il suffit pour envahir le lieu d’une intensité migrante, invitant aux quais souterrains comme à d’autres rues. Des corps qui se savent autant qu’ils s’ignorent, des regards qui se voient et ne se regardent pas, et le l’éclairage à contre jour injectent dans un lieu aveugle, sans images de soi, le scénario pictural d’intensités virtuelles. Coup d’essai pour cette abstraction lyrique à venir – un oxymore dont s’est contenté la critique ? En fait, un pot de peinture en pleine figure pour réveiller les yeux qui somnolent dans les paysages de leur enfance.
Ici, New York Subway dispose successivement, en un seul déroulé, un longeron oblique, diagonale d’une peinture qui explicite sa propre trajectoire, une coulée saturée de rouge orangé, puis en larges touches horizontales les noirs dégradés du tunnel, gris bleutés plutôt que crasseux. « We are for flat forms beause they destroy illusion and reveal truth » (Rothko). »
© Claude Imbert, Du simulacre des choses au réel de la peinture, extrait, La diagonale du métro, catalogue d’exposition, CIAC, Ed. de l’Ormaie, Carros, 2011